Monsieur le Commissaire Enquêteur, monsieur le Ministre,
Non à la défiguration du quartier du Petit Colombes sud, non au projet Auriol. Pendant cette enquête publique, je vous aurai rencontré deux fois, une fois avec des habitants du quartier à la Mairie de quartier Aragon, et une deuxième fois au Service de l’Urbanisme de notre Ville avec des élus de notre Municipalité.
Ancienne élue de terrain, maire adjoint et conseillère territoriale 2014-2020, j’ai pu discuter avec de nombreux habitants et je dois vous souligner que c’est la première fois que je vois une telle opposition à un projet majeur pour notre Ville : citoyen engagé, citoyen simple habitant ou élu.
Je sais qu’il est très rare qu’un commissaire enquêteur prononce un avis défavorable, et je sais que, même avec un avis défavorable de votre part, le Maire de notre Ville, également Président du Territoire Boucle Nord de Seine peut passer outre et poursuivre ce projet délétère. J’espère cependant que les quatre arguments principaux que j’apporte ci-dessous vont vous permettre d’étayer un avis défavorable à la modification du PLU Auriol:
- Le terrain est impropre à l’habitat résidentiel : le PLU doit rester destiné à de l’activité industrielle=>le PLU ne doit pas être modifié et la vocation industrielle du site doit rester
- La densité du bâti prévu est une perte d’identité pour notre ville => nous ne voulons pas être un quartier de La Défense et Colombes a déjà l’expérience douloureuses de plusieurs quartiers sensibles, n’en rajoutons pas !
- Le projet Auriol est une nouvelle zone enclavée => n’ajoutons pas des difficultés de sécurité sur les difficultés actuelle de notre Ville avec le trafic de stupéfiants et ses conséquences sur notre jeunesse et en terme de délinquance sur notre territoire
- Un stationnement encore plus difficile et avec des transports vers La Défense déjà saturés => nous ne voulons pas d’une ville dortoir
1. Le terrain pressenti pour le projet Auriol est impropre à la construction d’un habitat résidentiel
1.1- La zone envisagée par le projet Auriol est située à proximité immédiate de la ligne de chemin de fer SNCF à un endroit où les rails ne sont pas enterrés. Nous avons donc trois types de nuisances, les particules fines, les nuisances sonores et les vibrations.
A l’heure actuelle, cette voie de chemin de fer est extrêmement fréquentée et il n’y a aucune raison que le trafic diminue, bien au contraire. Il s’agit des trains de la gare Paris Saint Lazare – Le Havre qui passent à 13Okm/h sur cette partie de voie, les trains Paris Saint Lazare – Cergy qui passent toutes les 10 à 15 mn et la ligne L de proche banlieue vers Nanterre.
Pour ce qui concernent les nuisances sonores, j’ai les témoignages des salariés des entreprises à proximité du boulevard Charles de Gaulle et qui longent cette voie de chemin de fer : il ne leur est pas possible d’ouvrir les fenêtres ou de profiter des terrasses. Donc imaginer des appartements traversants ou avec balcon est illusoire. Pour ce qui concernent les vibrations le schéma de la MRAE est éloquent : toute une partie de la zone est bien confrontée à cette problématique et la désolidarisation qui est préconisée n’est pas instruite. La zone impactée est la moitié du terrain envisagée par l’opération Auriol, … est-ce bien raisonnable ?
1.2- La zone a été occupée pendant plus d’un siècle par une entreprise d’hydrocarbure. Peut-on raisonnablement penser en grattant 80cm de terre polluée, mettre une bâche puis remettre de la terre propre, que le problème de l’exposition de la population résidente à ces poisons va être réglée?
Que dirons-nous, vous, moi, le Maire actuel et son équipe lorsque le taux de cancer relevé sera anormalement élevée parmi les habitants ?
1.3- Certes la Région Ile de France manque de logements et notamment de logement social et le projet Auriol annonce 30% de logement social et 10% d’accession sociale à la propriété Est-ce une raison pour exposer sciemment une population fragile dans un environnement dangereux pour la santé. On le sait, l’écart de vie en bonne santé entre un homme CSP+ et un homme CSP6 est de 10 ans. Ne devrait-on pas tenir compte de ce fait pour renoncer à fragiliser encore plus une population fragile ?
Le terrain est impropre à l’habitat résidentiel : le PLU ne doit pas être modifié, il faudra que la Municipalité s’active pour accueillir des industries et du service et rendre ainsi attractive notre Ville.
2. La densité du bâti prévu est une perte d’identité pour notre ville
9 tours de 17 étages d’une hauteur avoisinant les 60m; voilà le projet Auriol que la mairie s’apprête à sortir de terre sur le site actuel de Conforama dans notre quartier, trente et une tours au total.
Des tours de cette dimension font perdre le rapport à la rue à l’échelle du piéton. Annexant la troisième dimension, ce projet de verticalité agressive s’approprie la lumière naturelle au détriment des bâtiments existants et à venir. De plus, les quartiers de tours si hautes comme nous le savons déjà à Colombes ne favorisent pas la vie sociale, l’interaction, la proximité et le voisinage. Sans compter l’ajout d’un espace vert parcellaire, encastré dans ces tours et qui ne profitera pas à la communauté ou difficilement : il faudra contourner cet espace. Ce quartier Auriol n’a pas aspiration à devenir à un nouveau quartier de La Défense! Colombes a déjà l’expérience de ce type d’architecture des années 1965.
En effet, le projet Auriol, c’est trois fois le quartier des Grèves à Colombes le long de la rue du Président Salvadore Alliende, quartier construit en 1965 et réputé pour les difficultés sociales qui s’y accumulent.
Nous avons aussi l’expérience du quartier des Fossés Jean, là encore un quartier sensible au milieu duquel se situe le parc Caillebotte de 2,4 hectares donc plus de deux fois plus grand que celui prévu dans le projet Auriol, …
Mais de qui se moque-t-on ? d’où vient cette volonté de retrouver les architectures des années 1960, en terme de densité de population et de hauteur des habitats et dont on connaît les conséquences en terme social.
A quoi bon depuis 20 ans investit-on (l’Etat, les collectivités locales) dans des programmes de rénovation urbaines – programme ANRU et els suivants- et de désenclavement de la pauvreté que la techno-langue appelle pudiquement « Zones en Politique de la Ville » , pour retomber comme si de rien n’était dans des architecture archaïques. Nous n’avons donc rien appris des architectures nuisibles à la cohésion sociale des années 60 ?
3. Le projet Auriol est une nouvelle zone enclavée
Densifier une zone en population, en créant ni plus ni moins un secteur enclavé, sans prendre en compte le cadre environnant est une aberration tant de fois démontrée par notre histoire architecturale des grandes banlieues. Entouré de voies de chemins de fer non traversant et du cimetière de la Cerisaie, ce parc de 31 tours est tout simplement la création d’une nouvelle zone enclavée comme solution magique à l’étalement urbain de Colombes. Pourquoi la volonté de la municipalité actuelle est de revenir à des solutions d’architecture du siècle précédent, alors que les études sociologiques démontrent les aspects néfastes sur la sécurité, le cadre de vie, l’aspect social et la perte d’identité? Nous devons nous y opposer par tous les moyens envisageables.
Cette zone est située idéalement pour favoriser le trafic de stupéfiants :
- Le boulevard Charles de Gaulle par tram ou voiture amène les consommateurs
parisiens - Le boulevard Charles de Gaulle débouche quelques centaines de mètres plus bas
vers la Seine, la A86 et la A1 et le nord de l’Europe
Et ce quartier, situé derrière les entreprises du boulevard Charles de Gaulle, isolé.
N’imaginons pas une seule seconde que les quartiers pavillonnaires de La Garenne
Colombes, de l’autre côté de la voie de chemin de fer vont accepter une passerelle facilitant
la venue de la population du projet Auriol !
Donc oui, ce quartier sera enclavé.
4. Un stationnement encore plus difficile et avec des transports vers La Défense déjà saturés
Où sont donc les places de stationnement ? dans ce projet de 1300 logements et 500 chambres étudiantes pouvant accueillir plus de 3000 nouveaux habitants ?
Colombes est une ville de banlieue, et tant que les circulations entre banlieues ne seront pas
fluidifiées par des transports en commun, l’usage de la voiture sera constant. Or le quartier du Petit Colombes est déjà un quartier où le stationnement est extrêmement
difficile.
Le chiffre de 0,7 voiture par habitant est avancé par la mairie actuelle, et ce chiffre ne baisse
pas : alors pourquoi prévoir un seul stationnement pour deux appartements ? Une nouvelle densité d’habitants qui va se déverser dans une zone de mobilité déjà dense que ce soit en utilisant les transports en commun tels que le bus ou le tramway, notamment la ligne T2, ou en circulant en voiture sur le boulevard Charles de Gaulle, Les transports sont saturés, c’est ce que reconnaît la mairie à travers ses publications (entretien récent du maire avec Jean Castex)… ce que je peux confirmer en tant qu’usager du T2 et des bus vers le centre de Colombes 276, 176, 378… Avec unT1 attendu pour 2030 au mieux.
La mairie actuelle évoque des prolongements du métro … pour d’ici trente à quarante ans. En fait, Colombes a loupé les projets du Grands Paris et Paris Express dans les années 2010, pas de gare du Grand Paris, pas de métro. Dont acte. Mais pourquoi aggraver la situation des Colombiens ?
La décision de privilégier la mobilité douce sans tenir compte des besoins et des attentes de déplacement de tous les habitants est un choix encore une fois gouverné par une idéologie écologique hors-sol, imposée et contraignante…
Nadia Frontigny